dimanche 22 décembre 2013

Red Bull, Burn, Monster : alerte rouge sur les boissons énergisantes

Cette fois, Red Bull, le Taureau rouge, leader des boissons dites "énergisantes" avec 60% de parts de marché en France, en prend un très sérieux coup sur les cornes. Dans un avis rendu public ce mardi, l’Anses (l’Agence nationale de Sécurité sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) considère que ce type de breuvage supposé fortifiant se révèle risqué pour au moins "un demi-million de Français", et même mortel pour ceux qui souffrent de cardiopathies bénignes, généralement non diagnostiquées.
C’est la conclusion de l’expertise de quelque 257 cas signalés de troubles cardiaques ou neurologiques, suite à la consommation de boissons énergisantes, le plus souvent en association avec de l’alcool ou une pratique sportive. 25 de ces cas ont été retenus comme "imputables de manière vraisemblable et très vraisemblable" à la dégustation de ces boissons. Parmi lesquels un arrêt cardiaque fatal. Une jeune fille de 16 ans est morte juste après s’être arrêtée de danser en discothèque et avoir mixé alcool et boisson énergisante.

Principale responsable : la caféine

La caféine – et ses effets "excitants" – est pointée comme étant la principale responsable. C’est d’abord elle qui "donne des ailes", comme le ressasse la pub de Red Bull. Pourtant, une canette n’équivaut qu’à deux capsules de café. Faut-il alors déconseiller les petits noirs au comptoir ? "Quand vous prenez des cafés, vous savez ce que vous faites, explique-t-on à l’Anses. Avec les boissons énergisantes, et demain avec des chewing-gums énergétiques, c’est à votre insu que vous en absorbez." La caféine masque ou réduit les effets de l’alcool et de la fatigue physique et conduit ainsi l’individu à "surestimer" sa résistance à l’alcool qui "potentialise les troubles du rythme cardiaque induits par la caféine chez les personnes prédisposées".
Il suffit de consulter les forums pour constater la fréquence de ces pépins. "J’avais un anniversaire, écrit Kevin. On a pris un apéro dans un bar, puis on est tous allés en boîte. J’ai consommé plusieurs verres de vodka Red Bull. J’étais en forme. Ensuite : tremblements, vomissements, mon cœur s’emballait. Je n’arrivais plus à respirer normalement. Pour moi, le Red Bull, c’est très dangereux, j’ai vraiment cru que j’allais y passer."
Selon une enquête commandée par l’Anses, 17% des consommateurs de boissons énergisantes ont entre 14 et 25 ans, 41% boivent déjà du café, 17% "se donnent des ailes" pendant une activité sportive et 33% le font dans les bars, les discothèques ou lors de soirées festives. L’avertissement vaut tout autant pour Burn, la copie de Red Bull lancée par Coca-Cola, ou Monster, Dark Dog ou Truc de Fou, qui se bousculent sur un marché de plus de 100 références, porté par une croissance à deux chiffres. D’autant que la conclusion laconique de l’Anses concernant l’apport énergétique réel est catégorique : il s’agit de "vitamines du groupe B, pour lequel la population française n’est globalement pas jugée en situation d’insuffisance".

Fabuleux budget sponsoring

Ce ne serait donc pas l’ingestion de packs entiers de Red Bull qui aurait permis à Sébastien Loeb, l’homme-sandwich de la marque rouge et bleue en France, de décrocher neuf fois le titre de champion du monde de rallye automobile. Ou, plus spectaculaire encore, au parachutiste Felix Baumgartner d’accomplir sa "mission Red Bull Stratos" le 14 octobre 2012, en se jetant du haut du ciel (près de 40.000 mètres d’altitude) en monopolisant les JT et le Web avec seize fois plus de clics que la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques.
Le fabuleux budget sponsoring de Red Bull (30% du chiffre d’affaires au bas mot auquel s’ajoute 30% pour le marketing) explique le retentissement de ces exploits. Encore qu’il soit impossible d’obtenir des chiffres précis. "Nous ne répondons pas aux interviews", réplique par courriel Red Bull. Les ex-salariés de la société, ayant signé une clause de confidentialité, sont tout aussi taiseux. Reste qu’il est facile de vérifier que tous les sports dits de l’extrême (bike, surf, BMX, skate, snowboard…) sont copieusement arrosés et trustés pour faire mousser la marque.
Si la firme autrichienne installée près de Salzbourg peut investir des sommes aussi vertigineuses dans le "buzz marketing sportif" relayé massivement sur sa télé Internet (Redbull.tv), qui produit deux heures de programmes nouveaux par jour repris sur YouTube, ou via son support papier mensuel, "The Red Bulletin", diffusé à 300.000 exemplaires et distribué le deuxième mercredi du mois avec le quotidien sportif "l’Equipe", c’est que sa formule liquide ne lui coûte en réalité pas grand-chose.

Pas du tout du sperme de taureau

L’essentiel du cocktail, c’est d’abord de "l’eau des Alpes suisses et autrichiennes" coupée de taurine (pas du tout du sperme de taureau, comme la marque laisse dire, mais un acide aminé très basique) et des doses atomiques de glucurunolactone, un produit de dégradation du glucose. Jusque-là, donc, une chimie simplette parfumée au ginseng. Et un chef-d’œuvre de communication alternative contournant les grands médias en phagocytant les événements festifs et sportifs tout en produisant les meilleurs groupes musicaux.
Les experts en marketing se pâmaient. L’Anses vient gâcher la fête. Elle appelle les pouvoirs publics à "garantir l’information des publics sensibles". Et surtout "à encadrer la promotion des boissons énergisantes" en déconseillant la consommation pour les enfants , les femmes enceintes et les adolescents mais aussi dans les enceints sportives. Or la promo, c’est bien le seul et formidable secret industriel du Taureau rouge

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