samedi 21 mai 2011

Risques sanitaires liés à l’eau et à l’alimentation Toxi-infections alimentaires

Il existe habituellement une sensible différence entre les toxi-infections collectives d’origine alimentaire ou hydrique et le concept d’épidémie.
Les toxi-infections collectives d’origine alimentaire ou hydrique se caractérisent le plus souvent par une source de contamination (aliment, boisson) commune aux malades et par l’absence de cas secondaires c’est-à-dire de contamination interhumaine (comme il en existe par certaines maladies parasitaires).
Les épidémies se caractérisent, quant à elles, par la propagation des cas.
Les transformations des circuits d’alimentation (internationalisation, problème de la conservation), le développement de la restauration collective (sociale ou commerciale) et l’apparition de nouvelles technologies ou de nouveaux produits alimentaires incitent à une surveillance accrue dans le domaine de l’hygiène alimentaire.
RISQUES SANITAIRES LIÉS À L’EAU ET À L’ALIMENTATION
1. Définitions
Épidémie : augmentation du nombre de nouveaux cas d’une maladie transmissible survenus
pendant une période de temps délimitée, au sein d’une population donnée (donc augmentation
du taux d’incidence).
– L’épidémie est une notion différente des cas sporadiques (rares et isolés).
– Le caractère exceptionnel de l’épidémie suppose un taux de base de la maladie et une notion
de seuil.
Endémie : présence habituelle, dans un espace géographique défini, d’une affection donnée
qui s’y manifeste de façon continue ou discontinue sans augmentation récente du nombre de cas.
Pandémie : forme particulière d’épidémie touchant un espace géographique particulièrement étendu (continent, monde entier…)
2. Conditions de développement d’une épidémie
Les épidémies supposent comme facteurs de développement :
– La présence d’un agent pathogène en quantité suffisante (réservoir).
– Un nombre suffisant de personnes exposées à cet agent et susceptibles d’y être réceptives.
– L’existence d’un mode de transmission.
Les principaux modes de transmission sont :
– La transmission à partir d’un réservoir commun.
– La transmission croisée, directement (transmission interhumaine) ou par un intermédiaire
(vecteur humain, animal ou matériel).
Pour lutter contre une épidémie, il est nécessaire de connaître toutes les caractéristiques de
cette épidémie (facteurs de développement et modes de transmission) pour :
– Éliminer le réservoir.
– Diminuer la réceptivité de l’hôte.
– Bloquer la transmission.
– Éviter la colonisation.











3. Étapes de l’investigation
Quel que soit le type d’épidémie envisagé, son investigation suit un schéma commun :
– Établir l’existence de l’épidémie et définir la maladie, prendre les premières mesures pratiques.
– Identifier tous les cas.
– Construire la courbe épidémiologique.
– Représenter la répartition des cas sur les plans spatial (cartographie) et temporel (courbe
épidémiologique, tableau synoptique).
* Cartographie : représentation géographique de la survenue des cas pendant l’épidémie ;
parfois, la localisation géographique est associée à la dimension temporelle.
* Courbes épidémiologiques : représentation par diagramme du nombre de cas survenus
suivant un découpage temporel régulier.
* Tableaux synoptiques : association de la localisation géographique des cas et de la notion
temporelle ; permet ainsi de distinguer une contamination à partir d’un réservoir commun
(intervalle libre sans contact entre les cas) ou une transmission croisée cas à cas (chevauchement des périodes de présence de tous les cas successivement).
– Préciser les caractéristiques des cas.
– Formuler une hypothèse explicative concernant l’épidémie.
– Tester cette hypothèse si nécessaire.
– Réaliser si nécessaire une enquête environnementale et microbiologique :
* Enquête cas/témoins ou cohorte rétrospective.
– Contrôler l’épidémie par des mesures complémentaires éventuelles.
– Rédiger l’analyse complète et le rapport.
– Le diffuser.
– Proposer des mesures de prévention ; formulation de recommandations.
4. Risques sanitaires
a) Exposition de courte durée
– Le risque peut être chimique (rare) ou microbiologique.
– Sauf cas exceptionnel d’actes volontaires de malveillance, il est extrêmement rare de trouver
dans l’eau ou les aliments des substances chimiques à un niveau assez élevé pour être
dangereuses.
– La situation est différente dans le cas des allergies alimentaires, puisqu’il suffit alors de très
petites quantités pour être dans une situation à risque.
– Le risque de contamination microbiologique est beaucoup plus important, puisque les
doses pouvant entraîner une infection sont minimes. La recherche de ces germes pathogènes
peut s’effectuer soit directement (recherche du germe précis), soit de façon indirecte
(mise en évidence du germe pathogène par la présence, la réaction… d’un germe témoin).
b) Exposition de moyenne durée
– L’exposition de moyenne durée demande une absorption sur plusieurs mois. Le risque est
le même qu’à court terme. Il peut être chimique ou microbiologique.
– Le risque chimique est principalement de trois ordres :
* les nitrites (provenant de la transformation des nitrates et particulièrement nocifs chez les jeunes enfants) ;
* le fluor (nocif à tout âge mais à des taux différents) ;
* le plomb (par contact entre des canalisations en plomb et une eau peu minéralisée et acide).
c) Exposition de longue durée
– Une exposition de longue durée peut être néfaste par accumulation de composés minéraux,
comme les métaux, ou par exposition répétée à des molécule cancérogène et/ou génotoxique.
– Celles-ci incluent les molécules organiques (pesticides, hydrocarbures polycycliques aromatiques, etc.).
TOXI-INFECTION ALIMENTAIRE
« L’apparition d’au moins deux cas groupés similaires d’une symptomatologie, en général
digestive, dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire » constitue une
toxi-infection alimentaire collective (TIAC).
L’existence ou la suspicion d’une TIAC doit s’accompagner d’une déclaration à l’autorité
sanitaire, la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS) et à la
Direction des services vétérinaires (DSV).
Toutefois, le caractère bénin de la majorité des TIAC, la méconnaissance de la définition et
du caractère obligatoire de la déclaration et des modalités de celle-ci sont à l’origine d’une
sous-déclaration des TIAC.
Il est donc difficile d’appréhender la réalité quantitative et qualitative des TIAC.
A/ Généralités
1. Épidémiologie
Les informations sur la fréquence et l’étiologie des TIAC nous proviennent pour l’essentiel
des déclarations obligatoires (avec les limites évoquées ci-dessus) effectuées auprès des
DDASS et des DSV mais également des cas recensés par le Centre national de référence des
salmonelles.
En 2001, 559 foyers de TIAC ont été déclarés regroupant 6 742 malades.
La répartition selon l’étiologie est exposée dans le tableau ci-dessous.
70 % des foyers déclarés concernaient la restauration collective.
Un aliment est suspecté ou confirmé dans 80 % des foyers.
Les viandes (notamment les volailles) et les aliments à base d’oeufs sont les principaux véhicules des germes des TIAC.


Répartition des TIAC déclarées en 2001, selon l’étiologie
Agent causal
Nb de foyers
%
Nb de malades
%
Salmonella
174
64
1 726

57,5
enteritidis
90
52
993

58
typhimurium
30
17
308

18
Clostridium perfingens
8
3
208

7
Staphylococcus aureus
43
16
620

20,5
Bacillus cereus
8
3
139

5
Histamine
8
3
22

0,7
Autres agents
31
11
278

9,3
Agents suspectés
189
34
2 647

39,3
Agents non déterminés
98
17,5
1 102

16,3
Total
559
100
6 742

100
2. Physiopathologie et manifestations cliniques
Le rôle de l’aliment dans la transmission de l’agent infectieux peut être passif – simple support, véhicule de l’agent infectieux – ou actif – siège d’une multiplication de l’agent infectieux ou de la production, par celui-ci, de toxine.
Le tableau clinique de la TIAC sera différent selon le mécanisme d’action de l’agent infectieux.
a) Multiplication d’agent infectieux et d’invasion par celui-ci de la paroi intestinale
– Le tableau clinique se caractérisera par un temps d’incubation assez long entre l’absorption
de l’aliment contaminé et l’apparition de la symptomatologie :
* Syndrome dysentérique ou gastro-entérique.
* Fièvre.
– Exemples de bactérie ayant une action invasive : salmonelle, shigelle, campylobacter, yersinia enterocolitica.
b) Sécrétion d’une toxine (entérotoxine) par l’agent infectieux
– Le tableau clinique se caractérisera par :
* un temps d’incubation plus court.
* une diarrhée liquide abondante, aqueuse.
* un risque de déshydratation important.
Risques sanitaires liés à l’eau et à l’alimentation - Toxi-infections alimentaires 1-7-73
* des vomissements.
* l’absence de fièvre.
– Exemples de bactérie ayant une action entérotoxinogène : staphylocoque doré, Clostridium
perfingens, Bacillus cereus, Clostridium botulinum, vibrion cholérique, Escherichia coli entérotoxinogène.
– L’ensemble des agents infectieux cités sont à l’origine d’une symptomatologie digestive prépondérante à l’exception près des Clostridrium botulinum à l’origine d’une symptomatologie neurologique.
c) Toxine provenant d’une transformation chimique : cas de l’histamine
– Le tableau clinique se caractérisera par des troubles neurologiques moteurs ou sensitifs sans
troubles digestifs suggérant botulisme, intoxication par coquillages ou poissons crus, produits
chimiques…
– Les agents infectieux pouvant être incriminés sont la scombrotoxine histamine-like, les
neurotoxines des dinoflagellés, le glutamate de sodium, la solanine, les champignons vénéneux,
les pesticides, Clostridium botulinum.
3. Caractéristiques épidémiologiques selon l’agent infectieux
a) Bactérie ayant une action invasive et donnant un tableau digestif
Salmonella non typhique :
* Inhibée par le froid, détruite par l’ébullition ou la cuisson lente :
* Réservoir :
viandes et en particulier la volaille.
oeufs (isolement de Salmonella entéritidis dans de nombreux cas).
viande hachée (de cheval en particulier).
produits laitiers (crèmes, glaces).
coquillages plus rarement.
* Durée d’incubation : 12 à 36 heures.
* Tableau clinique : fièvre élevée, diarrhée, douleurs abdominales, parfois des vomissements,
parfois septicémie et foyers secondaires.
Shigella :
* Réservoir : aliments variés et eau.
* Durée d’incubation : 24 à 72 heures.
* Tableau clinique : fièvre, vomissement, syndrome dysentérique.
Campylobacter jejuni :
* Réservoir : volailles, lait non pasteurisé et eau.
* Durée d’incubation : 48 à 120 heures (2 à 5 jours).
* Tableau clinique : idem salmonelloses.
Yersinia enterocolitica :
* se développe même au froid (+ 4 °C) :
* Réservoir (les aliments) : porc, volaille, eau.
* Durée d’incubation : 3 à 7 jours.
* Tableau clinique : fièvre et diarrhée.
* Chez l’adolescent un tableau pseudo-appendiculaire peut se développer du fait d’une adénite mésentérique.
* Chez l’adulte pourront se voir des érythèmes noueux, des arthrites.
b) Bactérie ayant une action entérotoxinogène et donnant un tableau digestif
Staphylococcus aureus :
* Réservoir : contamination le plus souvent humaine à partir d’une plaie (furoncle…) ou
d’un porteur sain (portage rhinopharyngé).
* Pâtisserie et viande préchauffée seront fréquemment en cause.
* Durée d’incubation : 2 à 4 heures.
* Tableau clinique : vomissements, diarrhée profuse, douleurs abdominales.
* Chez le nourrisson possibilité de choc hypovolémique.
Clostridium perfingens :
* Germe sporulé anaérobie :
* Réservoir : viandes en sauce et plats cuisinés.
* Se rencontre souvent lorsque les règles de conservation des aliments après cuisson ne
sont pas respectées (formes végétatives détruites à 60-70 °C et toxine thermolabile).
* Durée d’incubation : 9 à 15 heures.
* Tableau clinique : fièvres et douleurs abdominales à type de coliques. Très rarement entérocolites nécrosantes.
Bacillus cereus :
* Présente 2 entérotoxines, l’une thermolabile, l’autre thermostable.
* Réservoir : riz, purée, soja.
* Durée d’incubation :
Entérotoxine thermostable : 1 à 6 heures.
Entérotoxine thermolabile : 6 à 16 heures.
* Tableau clinique :
Entérotoxine thermostable : tableau proche de celui de l’intoxication staphylococcique.
Entérotoxine thermolabile : tableau proche de celui de l’intoxication Clostridium perfingens.
c) Le botulisme : tableau neurologique
– Germe anaérobie strict, sporulé et tellurique.
– Sept formes antigéniques différentes peuvent être isolées à partir des toxines. Le type antigénique B est le plus fréquent en France. Il est assez peu virulent, contrairement au type
antigénique A qui est majoritaire aux États-Unis.
– Il produit une toxine thermolabile.
– Réservoir : conserves artisanales, viande de porc (jambons crus).
– Durée d’incubation : 2 heures à 8 jours (le plus souvent 12 à 36 heures).
– Tableau clinique : nausées, vomissements puis diplopie, troubles de l’accommodation, dysphagie, sécheresse des muqueuses, voire paralysie motrice (membres et muscles respiratoires).
– Mortalité : 5 à 10 % des cas en France (États-Unis : 50 %).
d) Intoxications histaminiques : symptomatologie vasomotrice
– Réservoir : poissons et en particulier thon (l’histamine vient de la transformation de l’histidine contenue dans la chair des poissons).
– Durée d’incubation : 1/2 heure.
– Tableau clinique : troubles vasomoteurs, céphalées, lipothymies, érythèmes, quelques
troubles digestifs.
e) Autres
Bien d’autres micro-organismes peuvent contaminer les aliments ou l’eau : d’autres bactéries
(exemple : Escherichia coli entéropathogène), des virus (rotavirus et eau), des parasites (gardiases, amibiases), du phyto-plancton (les dinoflagelles et les fruits de mer).
Réf : Association Institut La Conférence Hippocrate, 1-7-73, Dr Patrick HOCHEDEZ