lundi 5 septembre 2011

Le calvaire des enfants allergiques à l'arachide


Face au scepticisme, voire à l'hostilité de l'entourage, leurs parents peinent à les protéger, selon une enquête britannique. 
«J'ai des cacahuètes et je vais venir te toucher», s'est vu menacer un enfant par un de ses camarades de classe. «J'ai peur, je suis pétrifiée à l'idée qu'il aille à l'école», raconte la mère d'un autre bambin allergique aux arachides. Une femme soupçonne même son beau-père d'avoir intentionnellement donné un bonbon aux cacahuètes à son petit-fils, dont l'allergie à cet aliment était parfaitement connue.
Ces témoignages édifiants sont issus d'une enquête britannique tout juste publiée dans la revue spécialisée Chronic Illness. Déjà confrontés à de lourdes contraintes pour la gestion du quotidien, les parents d'un enfant souffrant d'allergie à l'arachide doivent affronter le «scepticisme» voire «l'hostilité» de l'entourage, soulignent les chercheurs. Leur constat est d'autant plus inquiétant que, chez ces petits patients, le moindre contact avec de l'arachide peut induire une réaction violente, potentiellement grave.
Découverte précocement 
De plus en plus fréquente ces dernières décennies, comme les autres allergies alimentaires, l'allergie à l'arachide atteint environ 1% des enfants. Elle est souvent découverte précocement, à l'âge des premiers gâteaux apéritifs et autres cacahuètes. Les symptômes, quasi immédiats après l'ingestion, peuvent être variables: urticaire, asthme, troubles digestifs… Dans les cas les plus sévères, heureusement minoritaires, peut survenir un choc anaphylactique, avec risque vital. L'arachide étant omniprésente dans l'alimentation (parfois à l'état de traces dans certains produits industriels), les parents concernés doivent apprendre à contrôler en permanence l'environnement, et à pouvoir faire face en urgence à une exposition accidentelle.
Pour en savoir plus sur l'expérience de ces familles, Mary-Dixon-Woods (université de Leicester) et son équipe en ont interrogé 26. Leur étude confirme que les parents prennent rapidement conscience de la gravité potentielle de cette allergie, et qu'ils se mobilisent pour sécuriser l'environnement de l'enfant, en premier lieu à la maison. En général, tout produit contenant de l'arachide est ainsi banni du domicile.
Pas toujours pris au sérieux 
Le milieu extérieur est en revanche complexe à contrôler, constatent les chercheurs. De nombreux témoignages mettent l'accent sur les obstacles tant en milieu familial que scolaire, dans les restaurants, lors de vacances… Par précaution, des familles en viennent à renoncer aux invitations. «Je dis qu'on ne peut pas venir. Nous ne pouvons pas prendre le risque… Vous ne pouvez pas aller quelque part sachant que les gens ne se lavent pas les mains après mangé des cacahuètes », se justifie une mère. D'autres parents racontent le «cauchemar» des fêtes d'anniversaire. Quand ils déposent leur enfant et avertissent les adultes présents des précautions à prendre, ceux-ci ne les prennent pas au sérieux. Le petit allergique se retrouve accusé d'exagérer le danger, ses parents de le surprotéger. Pour tenter de se faire entendre, certaines mères équipent leur rejeton d'un tee-shirt mentionnant son allergie, et intimant de «ne pas le nourrir».
En France, certaines familles font aussi état de leur calvaire sur des forums. «La vie d'un enfant allergique n'est pas toujours drôle à cause des nombreuses privations, mais le plus dur à vivre c'est la méchanceté et la bêtise de certains adultes », écrit ainsi une femme sur la page Facebook de l'Association française pour la prévention des allergies (Afpral). «Dans mon expérience, je n'ai jamais rencontré de réactions aussi hostiles. En général, l'entourage familial et scolaire est plutôt bien sensibilisé», rassure l'allergologue Pierrick Hordé. Même si les allergies à l'arachide sont souvent définitives, ce spécialiste recommande toutefois, comme pour toute allergie alimentaire, de réévaluer régulièrement la situation.

La nouvelle salmonelle qui inquiète


Cette souche multirésistante aux antibiotiques a été détectée il y a quelques années en Europe et semble s'implanter en France.
Après les colibacilles, les salmonelles. Une équipe internationale de chercheurs s'inquiète de l'explosion spectaculaire, depuis cinq ans, d'une salmonelle appelée Kentucky qui devient résistante à presque tous les antibiotiques. Leurs travaux, qui viennent d'être publiés dans le Journal of Infectious Diseases, soulignent l'indispensable surveillance de ces bactéries responsables d'infections alimentaires, mais aussi l'urgence à rationaliser l'usage des antibiotiques dans les filières d'élevage au niveau mondial.
Largement répandues, les salmonelles ont pour réservoir principal le tube digestif des animaux: volailles, mais aussi cochons, voire reptiles. Il en existe plusieurs milliers de types différents. Les humains s'infectent le plus souvent en mangeant des aliments insuffisamment cuits ou contaminés: volailles, œufs, fromages au lait cru… Ces bactéries sont ainsi responsables de millions de cas de gastro-entérites dans le monde chaque année, généralement bénignes, potentiellement plus sévères, voire mortelles aux âges extrêmes de la vie ou en cas d'immunosuppression.
En France, grâce aux mesures d'hygiène et de contrôle, le nombre des infections alimentaires dues aux salmonelles a été divisé par deux ces dix dernières années, estime le Dr François-Xavier Weill, responsable du centre de référence des salmonelles à l'Institut Pasteur (Paris). C'est lui qui en 2006 s'est alarmé de l'émergence de la nouvelle souche Kentucky. «Nous avions recensé dix-sept cas chez des voyageurs de retour d'Égypte et d'Afrique de l'Est, alors nous avons contacté la communauté internationale pour la sensibiliser, puis initier et coordonner cette vaste étude», raconte-t-il.
Règles universelles d'hygiène
Entre 2002 et 2008, 489 cas ont ainsi été comptabilisés par les systèmes de surveillance en France, au Royaume-Uni et au Danemark. Depuis, 270 cas ont été confirmés en 2009 et 2010 pour la France seule. La zone de contamination, initialement limitée à l'Afrique du Nord-Est et de l'Est, s'est progressivement élargie à celle du Nord et de l'Ouest, ainsi qu'au Moyen-Orient. Deux éléments inquiètent les spécialistes. D'abord, 10% des cas européens concernent désormais des individus qui disent ne pas avoir voyagé, ce qui pourrait signifier que la bactérie commence à s'implanter en Europe.
Ensuite, cette salmonelle Kentucky devient de plus en plus résistante aux antibiotiques. Au début des années 1990 sont d'abord apparus des gènes de résistance à six molécules, puis à la famille des fluoroquinolones dans les années 2000. «Depuis deux ans, nous commençons à observer des isolats résistants aux céphalosporines de troisième génération et même aux carbapénèmes, les antibiotiques de dernier recours», insiste le Dr Weill. Certes, le traitement antibiotique n'est pas systématique (il concerne surtout les formes sévères et les sujets à risque), mais la multirésistance reste préoccupante.
Selon les chercheurs, l'Égypte serait le berceau de l'acquisition de ces résistances. «Une hypothèse est que les premières résistances ont été acquises par l'intermédiaire des filières aquacoles, où il y avait un usage massif des antibiotiques au début des années 1990», poursuit le biologiste.
Les résistances apparues plus récemment seraient, elles, en rapport avec les antibiotiques utilisés comme promoteurs de croissance dans les élevages de volailles. Ces pratiques ont été interdites en Europe depuis 2006 mais restent en vigueur sans beaucoup de contrôle dans de nombreux pays, notamment en Afrique. «Outre leur rationalisation, la priorité est de mettre en place des réseaux de surveillance de ces infections alimentaires dans les pays émergents», insiste le Dr Weill. À l'échelle individuelle, la meilleure protection reste l'application des règles universelles d'hygiène et de cuisine.