lundi 12 septembre 2011

Le stress affecte-t-il notre patrimoine génétique ?


C’est désormais un fait établi : un stress répété, comme une tristesse durable, modifie notre corps… jusqu’à son patrimoine génétique ! l preuve formelle a été apportée en 2004 par la biologiste australo-américaine Elizabeth Blackburn, prix nobel de médecine 2009, et Elissa Epel, psychiatre à l’université de Californie. En comparant l’ADN de mères d’enfants en bonne santé à celui de mères d’enfants atteints d’une maladie grave et chronique, comme l’autisme, ou souffrant d’un handicap moteur ou cérébral, elles ont découvert que les secondes, soumises à un stress psychologique chronique, présentaient des signes de vieillissement précoce dans leur ADN. Comme s’il était ‘’ rongé’’ par l’angoisse.
Inscrit dans nos gènes !
L’image est d’autant plus juste quand on regarde ce qui se passe au cœur de nos cellules, là ou l’ADN est condensé sous forme de chromosomes. A l’extrémité de ceux-ci se trouvent les télomères, sortes de ‘’capuchons’’ qui les protègent de l’érosion au fil des divisons cellulaires. Ceux-ci raccourcissent progressivement au fur et à mesure que la cellule vieillit. Or, chez les mères angoissées, les télomères sont apparus anormalement courts, reflétant un vieillissement accéléré. Ils semblaient appartenir à des personnes plus âgées de 9 à 17 ans !
Comment expliquer le lien entre les émotions et l’ADN ? pour l’heure, le mécanisme biologique précis est encore inconnu. Le cortisol, l’hormone du stress libérée par des petites glandes situées au-dessus des reins (les surrénales), pourrait etre impliqué. Peut-etre en interagissant avec l’activité de la molécule chargée de l’entretien des télomères, la télomérase. Quoi qu’il en soit, le stress ne s’attaque pas seulement aux télomères : il inscrit aussi sa marque sur nos gènes eux-mêmes, modifiant ainsi de façon ciblée et durable certains de nos comportements. Cette action relève d’un phénomène biologique baptisé l’épigénétique, par lequel l’ADN est modifié chimiquement par des petites ‘’étiquettes’’ – des groupements méthyles, dans le jargon des biochimistes – qui empêchent physiquement l’expression de certains gènes.
Or, les scientifiques ont constaté que le stress et les traumatismes psychiques entrainent des erreurs d’étiquetage épigénétiques dans la zone cérébrale qui gère les émotions, l’hippocampe. A preuve cette expérience réalisée sur des bébés rats : délaissés par leur mère, ils présentent des modifications épigénétiques qui bloquent le récepteur aux corticoides dans l’hippocampe. Or, ce récepteur contrôle la réponse au stress en réduisant le taux sanguin de cortisol. Du coup, les ratons délaissés deviennent moins bien armés pour faire face au stress. Perpétuellement angoisés, ils souffrent de troubles de la mémoire et d’un comportement dépressif. Une observation confirmée chez l’homme : des personnes décédées par suicide et qui avaient subi des sévices sexuels dans l’enfance présentent aussi le gène du récepteur aux corticoides bloqué par une méthylation de l’ADN des neurones de l’hippocampe.
Et ces anomalies peuvent même se transmettre : lorsqu’une femme est dépressive ou anxieuse pendant la grossesse, le bébé a tendance à présenter un marquage épigénétique anormal sur le gène du récepteur aux corticoides. Avec pour conséquence un nourrisson au taux de cortisol élevé, donc très sensible au stress.
Toutes ces observations ne sont pas forcément des mauvaises nouvelles : si notre corps réagit à la pression extérieure, cela signifie aussi que l’on peut se servir de cette pression dans un but bénéfique. Ainsi, les effets épigénétiques causés par le stress peuvent-ils être annulés grâce à une prise en charge. Cela a déjà été fait chez la souris avec des antidépresseurs ou des médicaments destinés à la régulation des troubles de l’humeur. Plus simplement, les effets du stress pourraient être inversés avec de l’activité physique et… de la relaxation !
Réf : science & vie. Septembre 2011

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire