mercredi 18 mai 2011

Diarrhée aiguë chez l’enfant


Il s’agit d’un problème fréquent en pédiatrie, caractérisé par la présence de pics épidémiques.
Le plus souvent, la diarrhée est d’intensité modérée et d’évolution spontanément favorable.
Il ne faut pourtant pas négliger le risque de déshydratation pouvant aller jusqu’au choc hypovolémique
dans certains cas. Il ne faudra jamais négliger l’évaluation clinique de la volémie
et de l’état d’hydratation.
Il ne faut pas oublier que la réhydratation orale constitue l’essentiel du traitement de diarrhée
aiguë. De même, il est fondamental que les parents aient retenu le rôle primordial et la
modalité d’administration du soluté de réhydratation orale.
A/ Diagnostic positif
Une diarrhée aiguë se définit par la survenue brutale de selles trop fréquentes et/ou trop
liquides entraînant une perte de poids. Cette définition souligne bien que l’anomalie de la
fréquence ou de la consistance des selles n’a pas de critères bien précis et que seule la perte
de poids permet de confirmer le caractère pathologique des selles. En fait, le diagnostic de
diarrhée aiguë devrait reposer sur le poids des selles exonérées en 24 heures et non sur leur
aspect, mais cela n’est bien entendu pas réalisable en pratique courante.
On distingue schématiquement trois grands types de diarrhée aiguë dont l’identification permet souvent d’orienter le diagnostic étiologique.
1. Diarrhée toxinique
Liée à une toxine d’origine bactérienne (activation de l’adénylcyclase membranaire à sécrétion active d’eau et d’électrolytes).
Les selles sont aqueuses et abondantes (cholériformes).
2. Diarrhée invasive
Liée à un envahissement et une destruction des entérocytes (diminution des phénomènes
d’absorption intestinale et d’une réaction inflammatoire avec exsudation et saignement).
Les selles sont sanglantes et glaireuses, voire purulentes.

3. Diarrhée motrice
Liée à une simple accélération du transit intestinal.
Les selles sont molles et peu abondantes.
B/ Diagnostic étiologique
1. Une origine infectieuse est le plus souvent en cause
a) Il s’agit le plus souvent d’un virus
Les diarrhées virales représentent 50 à 80 % des diarrhées aiguës de l’enfant.
Le rotavirus est le virus le plus fréquemment responsable, mais d’autres agents viraux
(Adenovirus, Coronavirus, Astrovirus, Calicivirus, Enterovirus) sont parfois retrouvés.
Le rotavirus sévit de façon endémique avec une recrudescence en hiver. Sa contagiosité est
extrême ce qui explique la grande fréquence des épidémies qu’il provoque.
Les diarrhées d’origine virale sont habituellement abondantes et aqueuses, et souvent précédées ou accompagnées de fièvre et de vomissements.
Il n’existe pas de traitement spécifique.
b) Il s’agit parfois d’une bactérie
Les diarrhées d’origine bactérienne ne représentent que 5 à 10 % des diarrhées aiguës de l’enfant.
Les principaux germes en cause sont les suivants :
Campylobacter :
* entéro-invasif, et parfois entérotoxigène,
* les Campylobacters le plus souvent en cause sont C. jejuni et C. coli,
* causes fréquentes de diarrhée aiguë de l’enfant, les Campylobacters ont un pic estivoautomnal et sont parfois responsables d’épidémies dans les collectivités,
* l’infection se manifeste habituellement par une diarrhée glairo-sanglante fébrile accompagnée de vomissements et de douleurs abdominales intenses. Les bactériémies sont
exceptionnelles. Des arthrites réactionnelles sont possibles,
* la reconnaissance du germe nécessite un milieu de culture spécial différent de celui utilisé
pour les coprocultures usuelles,
* une antibiothérapie est indiquée uniquement lorsque la symptomatologie est prolongée
ou sévère. Elle permet d’éviter les rechutes ou la contamination du milieu familial ou de
la collectivité (crèche) et diminue la durée de l’état de porteur (contrairement aux salmonelloses).
Cette antibiothérapie ne réduit la durée de la diarrhée que si elle est instituée dès le début des symptômes, mais cela est généralement incompatible avec le délai d’obtention (3 à 6 jours)
de la coproculture ;
salmonelles :
* entéro-invasif au niveau de l’iléon et du côlon. Certaines souches agissent par la sécrétion
d’une toxine,
* le plus souvent en cause sont S. typhi murium, S. Enteritidis, S. Virchow,
* elles sont habituellement responsables de diarrhées invasives souvent très fébriles.
La diarrhée est parfois précédée, voire remplacée, par un iléus trompeur à l’origine d’une constipation,
* les bactériémies et les localisations secondaires ne sont pas exceptionnelles chez le nourrisson,
* les salmonelles sont facilement retrouvées par coproculture,
* des épidémies peuvent se rencontrer dans les collectivités,
* un traitement antibiotique (amoxicilline, cotrimoxazole) n’est indiqué qu’en cas de terrain
débilité ou s’il existe des signes systémiques persistants, la voie parentérale (céphalo-
sporines) étant parfois préférée pendant les premiers jours. Dans les formes simples,
elle peut au contraire favoriser le développement de résistances plasmidiques, prolonger le portage de germes, voire accroître le risque de rechute.
Escherichia coli :
* Ils sont classés en fonction de leur mécanisme d’action :
E. coli entérotoxigène : agissent par leur capacité d’adhérence à l’entérocyte.
Lorsqu’elles sont fixées, ces bactéries sécrètent une entérotoxine qui stimule l’adényl
ou la guanyl cyclase membranaire qui augmente la sécrétion intestinale. Ils entraînent
une diarrhée d’allure toxinique.
E. coli entéro-invasifs : envahissent et détruisent les cellules épithéliales intestinales,
surtout dans la portion distale du grêle et le côlon. Ils entraînent une diarrhée d’allure invasive.
E. coli entéro-pathogènes : entraînent, après adhésion à l’entérocyte, des modifications
ultrastructurales et une diminution des activités enzymatiques. Ils sont parfois à l’origine
d’épidémies de diarrhées infantiles.
E. coli entéro-hémorragiques : ont un tropisme particulier pour le côlon. Ils entraînent des colites hémorragiques responsables de diarrhées sanglantes. Certains d’entre eux produisent des vérotoxines mises en cause dans le syndrome hémolytique et urémique
(sérogroupe O157 : H7),
* Escherichia coli est un germe normalement présent dans les selles, sa présence dans une
coproculture ne permet donc pas d’affirmer sa pathogénicité,
* un traitement antibiotique est rarement indiqué en dehors des diarrhées persistantes.
L’importance des résistances rend difficile le choix de l’antibiotique ;
Shigelles :
* invasives, parfois entérotoxigène,
* les shigelles le plus souvent en cause sont S. sonnei, S. flexneri,
* elles sont habituellement responsables de syndromes dysentériques fébriles sévères.
L’existence de signes neurologiques (convulsions, obnubilation) ou d’une hyponatrémie
sévère est évocatrice,
* les germes sont retrouvés sur la coproculture,
* la prescription d’antibiotiques est systématiquement requise dans des formes cliniques
nettes. Elle permet de réduire la fièvre et la durée de la diarrhée,
Yersinia enterocolitica :
* entéro-invasif,
* l’infection survient plus fréquemment sur les terrains débilités ou chez les enfants porteurs
d’une hémoglobinopathie,
* le tableau habituel est celui d’une gastro-entérite aiguë fébrile. Une yersiniose peut aussi
se manifester sous la forme de douleurs abdominales pseudo-appendiculaires en rapport
avec une adénite mésentérique. Un érythème noueux ou des arthralgies des petites articulations peuvent parfois survenir au cours de l’évolution,
* l’isolement de Yersinia enterocolitica par coproculture nécessite l’emploi de méthodes spécifiques de culture qui ne sont pas toujours utilisées, expliquant la fréquente négativité
des coprocultures. Un sérodiagnostic est cependant disponible,
* un traitement antibiotique n’est nécessaire qu’en cas de terrain débilité ou hémoglobinopathie.
Les tétracyclines (après 8 ans) ou le cotrimoxazole sont les antibiotiques de choix ;
Toxines du staphylocoque :
* toxine thermostable pouvant être responsable d’une toxi-infection alimentaire,
* une diarrhée toxinique apparaît 2 à 4 heures après l’ingestion d’un aliment suspect (pâtisserie),
* la coproculture n’a pas d’intérêt diagnostique,
* l’antibiothérapie est inutile.
c) Il s’agit rarement d’un parasite
En France, les lambliases massives et les cryptosporidies (chez l’enfant immunodéprimé)
peuvent être à l’origine de diarrhée, plus souvent chronique qu’aiguë.
Chez l’enfant de retour d’un pays tropical, une diarrhée peut être due à une amibiase, une
ankylostomiase, une anguillulose, une trichinose ou une bilharziose intestinale. Il s’agit plus
souvent d’une diarrhée traînante qu’aiguë.
Des Candida albicans sont souvent retrouvés sur les coprocultures, surtout en cas de traitement antibiotique. Ils existent à l’état commensal dans le côlon et ne peuvent pas être tenus pour responsables d’une diarrhée.
2. Les diarrhées aiguës ont rarement une autre origine
a) Diarrhée associée à une infection extradigestive
Une accélération modérée du transit intestinal plus qu’une véritable diarrhée est fréquemment
constatée au cours d’une infection extradigestive, notamment ORL. Cette diarrhée est de type
motrice.
b) Erreurs diététiques
Il peut s’agir d’une erreur de reconstitution du lait des biberons, d’une utilisation excessive de
farines ou d’une diversification de l’alimentation mal conduite.
c) Causes médicamenteuses
Des selles molles peuvent apparaître lors de l’utilisation de certaines thérapeutiques, notamment antibiotiques, sans qu’il soit généralement nécessaire d’interrompre le traitement. Les colites pseudomembraneuses après antibiothérapie liées à Clostridium difficile sont exceptionnelles en pédiatrie.
3. Place des examens des selles dans l’enquête étiologique
a) La coproculture
Ses indications se limitent aux cas suivants :
diarrhée glairo-sanglante très fébrile ;
manifestations systémiques sévères ;
diarrhée prolongée ;
terrain débilité (nouveau-né, immunodépression, drépanocytose) ;
épidémies en collectivité (si une cause virale a été exclue) ;
voyage récent dans un pays chaud.
b) La recherche de virus dans les selles
Seuls le rotavirus et l’adénovirus peuvent être détectés avec des moyens simples (techniques
immuno-enzymatiques) dans les selles.
La recherche n’a aucun intérêt pratique et peut être réalisée dans un but épidémiologique ou
au cours de certaines situations épidémiques, en particulier chez les enfants vivants en collectivité.

C/ Diagnostic différentiel
La diarrhée aiguë du nourrisson doit être distinguée :
a) Des selles d’un nourrisson nourri au lait de femme
Un nourrisson nourri au lait de femme a des selles liquides au nombre de 6 à 8 par jour mais
prend du poids régulièrement. C’est cette prise de poids qui permet d’exclure une diarrhée aiguë.
b) Des causes de diarrhée chronique qu’elle révèle
D/ Complications
1. Complications liées à la perte hydroélectrolytique dans les selles +++
Déshydratation aiguë et ses complications, notamment choc hypovolémique.
Acidose par perte de bicarbonates.
Hypokaliémie.
2. Complications liées à une réalimentation tardive
Une réalimentation trop tardive (après 48 heures) entraîne une dénutrition rapide qui peut
pérenniser la diarrhée et ainsi aboutir à un cercle vicieux et donc une diarrhée rebelle. Cela est
d’autant plus vrai que l’enfant est plus jeune.
E/ Traitement
1. La réhydratation doit être proposée systématiquement
a) La réhydratation se fait par voie orale dans la majorité des cas
Elle sera presque toujours tentée dans un premier temps, même en cas de vomissements, car
ils cèdent habituellement après l’absorption de petites quantités de solutés gluco-électrolytiques.
De plus, quelle que soient la gravité de la diarrhée et sa cause, les entérocytes conservent
toujours un pouvoir potentiel d’absorption du sodium et de l’eau.
Elle repose sur l’utilisation de solutés gluco-électrolytiques de réhydratation (GES 45,
Alhydrate…).
Ces solutés contiennent du glucose afin de faciliter l’absorption entérocytaire du sodium
(pompe Na-K) et fournir un petit apport énergétique, et des électrolytes pour en compenser
la perte fécale.
Ces solutés seront proposés au biberon en laissant l’enfant boire à volonté et adapter luimême
ses ingesta à ses besoins. Des quantités importantes peuvent être ainsi absorbées au cours des premières 24 heures, atteignant parfois 200 ml/kg/jour.
En cas de vomissements, Le soluté sera proposé en petites quantités (10 à 15 ml), à intervalles
rapprochés.
La surveillance repose essentiellement sur :
le poids ;
le débit des selles, les vomissements.
b) La voie parentérale est cependant parfois nécessaire
Elle est indiquée :
en cas d’échec de la réhydratation orale ;
d’emblée en cas de déshydratation sévère (perte de poids supérieure à 10 %) ;
de choc hypovolémique (après correction de celui-ci).
Correction du choc hypovolémique et réhydratation intraveineuse (cf. « Déshydratation »)
2. La réalimentation doit être précoce
a) Elle doit être reprise après quelques heures
Après une période de réhydratation exclusive, l’alimentation devra être reprise au bout de 4
à 6 heures. Ce délai peut cependant être prolongé en cas de réhydratation par voie parentérale.
La précocité de la réalimentation est justifiée par le fait qu’un jeûne prolongé entraîne rapidement une dénutrition et favorise ainsi la pérennisation de la diarrhée.
b) Ses modalités varient selon l’âge
Avant 4 mois :
en cas d’allaitement maternel, celui-ci sera poursuivi ;
en cas d’allaitement artificiel, celui-ci sera repris avec un substitut du lait contenant des
protéines du lait de vache hydrolysées (Alfaré, Nutramigen, Galliagène progree,
Prégestimil, Pepti Junior). En effet, à cet âge, la diarrhée augmente la perméabilité intestinale
aux grosses molécules, et donc aux protéines du lait, et favorise ainsi la survenue d’une
allergie secondaire aux protéines du lait de vache. Le lait habituel pourra être réintroduit 2-3
semaines plus tard.
Après 4 mois :
l’allaitement sera repris initialement avec le lait artificiel habituel avec reconstitution normale d’emblée. Cependant, si la diarrhée persiste (au-delà de 5 à 7 jours) ou récidive, le lait artificiel devra être remplacé par un lait sans lactose (O. Lac, Diargal, AL110) pendant 8 à
15 jours. En effet, la persistance de la diarrhée peut être liée à un déficit transitoire en lactase
consécutif aux lésions entérocytaires ;
si le nourrisson avait auparavant une alimentation diversifiée, celle-ci sera reprise à l’aide
de carottes, riz, pommes, bananes, coings, pommes de terre, viandes maigres, en excluant
transitoirement les fibres, les agrumes et les graisses cuites.
Réf : Association Institut La Conférence Hippocrate, III-302, Dr Patrick HOCHEDEZ



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