mardi 20 septembre 2011

Grossesse et VIH : des traitements non évalués


De façon globale, l’évaluation des médicaments chez la femme enceinte et le nouveau-né est très rare. Les antirétroviraux n’échappent pas à cette réalité. Le nombre d’essais cliniques est très faible, y compris aux USA. Comment estime-t-on alors les risques de toxicité pour l’enfant ? "Aujourd’hui, notre façon de procéder n’est pas la bonne : on traite et on observe après. Nous regardons le sang de cordon à la naissance, examinons le nouveau-né, faisons des registres", déplore le Pr Mandelbrot. Du coup, les anciennes molécules, pour lesquelles on a du recul, sont privilégiées. "Nous nous interdisons de faire appel chez la femme enceinte à des combinaisons médicamenteuses nouvelles", explique ce spécialiste. Le cri du coeur de ces médecins ? "Il faudrait développer des programmes de recherche". Trois questions se posent sur la tolérance de ces médicaments pour le bébé : l’impact sur l’enfant d’une grossesse chaotique - éventuelle prématurité -, les malformations à la naissance, et, la plus importante, la question du suivi à long terme. "Pour l’instant, nous n’avons pas d’inquiétude considérable sur la toxicité de ces traitements sur les organes du foetus" annonce le Pr Stéphane Blanche. "En revanche, se pose le problème du suivi de ces enfants", ajoute-t-il. Un effet secondaire peut en effet se manifester très longtemps après le traitement. Or, pour l’instant, le suivi de ces enfants a été maintenu à deux ans : "Globalement, leur santé est très bonne", déclare le Pr Blanche.
Comment faire pour évaluer ces médicaments ? En mettant en place de nouveaux marqueurs biologiques afin de savoir s’il y a un effet toxique sur le nouveau-né ou le petit enfant. Il existe déjà ceux qui servent à étudier l'anémie, les troubles des globules blancs et les plaquettes pour des médicaments, dont on sait qu’ils peuvent avoir des effets sur les globules rouges ou blancs. Mais "nous manquons de marqueurs biologiques pour étudier les effets de nouveaux médicaments, comme par exemple le Ténofovir, molécule intéressante mais dont on sait qu’elle peut avoir des effets néfastes sur les os ou les reins", indique le Pr Mandelbrot. "En cas d’alerte biologique, nous pourrions changer de médicament", explique le Pr Blanche. Deuxième possibilité : faire des études sur placenta ex-vivo. La plupart de ces médicaments passent la barrière placentaire ; or la majorité des molécules n’a jamais été testée sur le placenta humain. "À l’Hôpital Louis Mourier, nous avons créé un laboratoire où nous étudions le passage placentaire sur des placentas récupérés dans les salles d’accouchement, par la méthode de perfusion placentaire. Ce n’est qu’indicatif mais c’est déjà une indication utile", explique le Pr Mandelbrot. Enfin, certains médecins se posent aujourd’hui une question cruciale : faut-il donner des médicaments qui passent la barrière placentaire alors que l’on sait aujourd’hui que si l’on contrôle bien la charge virale de la mère, la transmission est quasi-nulle ?

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