mardi 4 octobre 2011

L’action inattendue du bisphénol A sur l’oreille interne de certains vertébrés


Le bisphénol A, dont l’impact sur la reproduction et le développement fait l’objet de nombreuses études, aurait un nouvel effet complètement insoupçonné : il induit des anomalies sur l’oreille interne d’embryons de certains vertébrés.
Le bisphénol A est un composé chimique de synthèse largement utilisé dans la fabrication industrielle des récipients en plastique de type polycarbonates, tels les CD, les lunettes, certaines bouteilles plastiques ou certains biberons. On le retrouve également dans les résines époxy constituant les revêtements intérieurs des boites de conserve, les canettes de boissons ou les amalgames dentaires. Or, cette molécule peut modifier les équilibres hormonaux des vertébrés, en interagissant directement avec les récepteurs hormonaux ou bien avec les enzymes qui assurent le métabolisme de ces hormones : c’est un perturbateur endocrinien.
En effet, le BPA est capable de se lier aux récepteurs des œstrogènes, les hormones sexuelles féminines, et de mimer leur action dans l’organisme. C’est pourquoi il est aujourd’hui classé reprotoxine de catégorie 3, c'est-à-dire jugé ‘’préoccupant pour la fertilité de l’espèce humain’’ en raison ‘’d’effets toxiques possibles’’ mais non démontrés sur la reproduction. Les évaluations de risque ont conduit à définir une dose journalière tolérable (DJT) de 50 µg de BPA par kg de poids corporel et par jour, soit 2,5 mg par jour pour un individu de 50 kg. Jusqu’à présent, la plupart des études menées pour caractériser et évaluer ses effets dans le corps humain ont concerné la fonction de reproduction et le développement du cerveau.
Des chercheurs français (CNRS/INSERM/MNHN/INRA) se sont intéressés à l’effet de ce composé sur le développement embryonnaire. Pour cela, ils ont exposé des œufs de poissons zèbre (un organisme assez proche de l’homme et de la souris) à des concentrations de plus en plus importantes de BPA (de 1 mg/L à 20 mg/L). et le résultat n’a pas manqué de les surprendre : la plupart des embryons de poissons zèbre ont, après exposition au BPA, présenté des anomalies au niveau des otolithes, de petites structures de l’oreille interne qui servent à contrôler l’équilibre et jouent aussi un rôle dans l’audition. Pour 60 % des embryons, des agrégats d’otolithes se sont formés. D’autre anomalies de l’oreille interne, moins fréquentes, ont également été relevées. Au-delà d’une concentration de 15 mg/L, tous les poissons zèbre ont développé des anomalies. Mais, cette dose correspond à une exposition très aigue, bien plus élevée que la gamme d’exposition possible de l’être humain.
Allant plus loin, les scientifiques ont renouvelé leur expérience sur un autre vertébré de la famille des amphibiens, le xénope, avec les mêmes résultats. De plus, les chercheurs ont constaté qu’en bloquant les récepteurs des œstrogènes, la cible classique du bisphénol A, ces anomalies persistaient, supposant que le BPA se fixerait sur un autre récepteur. Ce nouvel effet serait donc totalement indépendant des récepteurs des œstrogènes.
Ces travaux démontrent clairement qu’outre ses effets reprotoxiques, le bisphénol A, à des doses assez élevées. Agit aussi sur le développement embryonnaire. Ils révèlent également que les cibles d’action de ce composé sont plus nombreuses que ce que l’on pensait jusqu’à présent.
Réf : science magazine, N° 31, septembre 2011,  page 20,

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