Le bisphénol A, dont l’impact sur la
reproduction et le développement fait l’objet de nombreuses études, aurait un
nouvel effet complètement insoupçonné : il induit des anomalies sur
l’oreille interne d’embryons de certains vertébrés.
Le
bisphénol A est un composé chimique de synthèse largement utilisé dans la
fabrication industrielle des récipients en plastique de type polycarbonates,
tels les CD, les lunettes, certaines bouteilles plastiques ou certains
biberons. On le retrouve également dans les résines époxy constituant les revêtements
intérieurs des boites de conserve, les canettes de boissons ou les amalgames
dentaires. Or, cette molécule peut modifier les équilibres hormonaux des
vertébrés, en interagissant directement avec les récepteurs hormonaux ou bien
avec les enzymes qui assurent le métabolisme de ces hormones : c’est un
perturbateur endocrinien.
En
effet, le BPA est capable de se lier aux récepteurs des œstrogènes, les
hormones sexuelles féminines, et de mimer leur action dans l’organisme. C’est
pourquoi il est aujourd’hui classé reprotoxine de catégorie 3, c'est-à-dire
jugé ‘’préoccupant pour la fertilité de l’espèce humain’’ en raison ‘’d’effets
toxiques possibles’’ mais non démontrés sur la reproduction. Les évaluations de
risque ont conduit à définir une dose journalière tolérable (DJT) de 50 µg de
BPA par kg de poids corporel et par jour, soit 2,5 mg par jour pour un individu
de 50 kg. Jusqu’à présent, la plupart des études menées pour caractériser et
évaluer ses effets dans le corps humain ont concerné la fonction de
reproduction et le développement du cerveau.
Des
chercheurs français (CNRS/INSERM/MNHN/INRA) se sont intéressés à l’effet de ce
composé sur le développement embryonnaire. Pour cela, ils ont exposé des œufs
de poissons zèbre (un organisme assez proche de l’homme et de la souris) à des
concentrations de plus en plus importantes de BPA (de 1 mg/L à 20 mg/L). et le
résultat n’a pas manqué de les surprendre : la plupart des embryons de
poissons zèbre ont, après exposition au BPA, présenté des anomalies au niveau
des otolithes, de petites structures de l’oreille interne qui servent à contrôler
l’équilibre et jouent aussi un rôle dans l’audition. Pour 60 % des embryons,
des agrégats d’otolithes se sont formés. D’autre anomalies de l’oreille
interne, moins fréquentes, ont également été relevées. Au-delà d’une
concentration de 15 mg/L, tous les poissons zèbre ont développé des anomalies.
Mais, cette dose correspond à une exposition très aigue, bien plus élevée que
la gamme d’exposition possible de l’être humain.
Allant
plus loin, les scientifiques ont renouvelé leur expérience sur un autre
vertébré de la famille des amphibiens, le xénope, avec les mêmes résultats. De
plus, les chercheurs ont constaté qu’en bloquant les récepteurs des œstrogènes,
la cible classique du bisphénol A, ces anomalies persistaient, supposant que le
BPA se fixerait sur un autre récepteur. Ce nouvel effet serait donc totalement
indépendant des récepteurs des œstrogènes.
Ces
travaux démontrent clairement qu’outre ses effets reprotoxiques, le bisphénol
A, à des doses assez élevées. Agit aussi sur le développement embryonnaire. Ils
révèlent également que les cibles d’action de ce composé sont plus nombreuses
que ce que l’on pensait jusqu’à présent.
Réf : science magazine, N° 31, septembre 2011, page 20,
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