Cette
souche multirésistante aux antibiotiques a été détectée il y a quelques années
en Europe et semble s'implanter en France.
Après
les colibacilles, les salmonelles. Une équipe internationale de chercheurs
s'inquiète de l'explosion spectaculaire, depuis cinq ans, d'une salmonelle
appelée Kentucky qui devient résistante à presque tous les antibiotiques. Leurs
travaux, qui viennent d'être publiés dans le Journal of Infectious Diseases,
soulignent l'indispensable surveillance de ces bactéries responsables
d'infections alimentaires, mais aussi l'urgence à rationaliser l'usage des
antibiotiques dans les filières d'élevage au niveau mondial.
Largement
répandues, les salmonelles ont pour réservoir principal le tube digestif des
animaux: volailles, mais aussi cochons, voire reptiles. Il en existe plusieurs
milliers de types différents. Les humains s'infectent le plus souvent en
mangeant des aliments insuffisamment cuits ou contaminés: volailles, œufs,
fromages au lait cru… Ces bactéries sont ainsi responsables de millions de cas
de gastro-entérites dans le monde chaque année, généralement bénignes,
potentiellement plus sévères, voire mortelles aux âges extrêmes de la vie ou en
cas d'immunosuppression.
En
France, grâce aux mesures d'hygiène et de contrôle, le nombre des infections
alimentaires dues aux salmonelles a été divisé par deux ces dix dernières
années, estime le Dr François-Xavier Weill, responsable du centre de référence
des salmonelles à l'Institut Pasteur (Paris). C'est lui qui en 2006 s'est
alarmé de l'émergence de la nouvelle souche Kentucky. «Nous avions recensé
dix-sept cas chez des voyageurs de retour d'Égypte et d'Afrique de l'Est, alors
nous avons contacté la communauté internationale pour la sensibiliser, puis
initier et coordonner cette vaste étude», raconte-t-il.
Règles universelles d'hygiène
Entre 2002 et 2008, 489 cas ont ainsi été
comptabilisés par les systèmes de surveillance en France, au Royaume-Uni et au
Danemark. Depuis, 270 cas ont été confirmés en 2009 et 2010 pour la France
seule. La zone de contamination, initialement limitée à l'Afrique du Nord-Est
et de l'Est, s'est progressivement élargie à celle du Nord et de l'Ouest, ainsi
qu'au Moyen-Orient. Deux éléments inquiètent les spécialistes. D'abord, 10% des
cas européens concernent désormais des individus qui disent ne pas avoir
voyagé, ce qui pourrait signifier que la bactérie commence à s'implanter en
Europe.
Ensuite,
cette salmonelle Kentucky devient de plus en plus résistante aux antibiotiques.
Au début des années 1990 sont d'abord apparus des gènes de résistance à six
molécules, puis à la famille des fluoroquinolones dans les années 2000. «Depuis
deux ans, nous commençons à observer des isolats résistants aux céphalosporines
de troisième génération et même aux carbapénèmes, les antibiotiques de dernier
recours», insiste le Dr Weill. Certes, le traitement antibiotique n'est pas
systématique (il concerne surtout les formes sévères et les sujets à risque),
mais la multirésistance reste préoccupante.
Selon
les chercheurs, l'Égypte serait le berceau de l'acquisition de ces résistances.
«Une hypothèse est que les premières résistances ont été acquises par
l'intermédiaire des filières aquacoles, où il y avait un usage massif des
antibiotiques au début des années 1990», poursuit le biologiste.
Les
résistances apparues plus récemment seraient, elles, en rapport avec les
antibiotiques utilisés comme promoteurs de croissance dans les élevages de
volailles. Ces pratiques ont été interdites en Europe depuis 2006 mais restent
en vigueur sans beaucoup de contrôle dans de nombreux pays, notamment en
Afrique. «Outre leur rationalisation, la priorité est de mettre en place des
réseaux de surveillance de ces infections alimentaires dans les pays
émergents», insiste le Dr Weill. À l'échelle individuelle, la meilleure
protection reste l'application des règles universelles d'hygiène et de cuisine.
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