Le lien biologique entre le risque de
troubles mentaux et le lieu de vie a enfin été observé : soumises à un
stress, deux régions cérébrales sont plus actives…chez les citadins !
Pour
la première fois, les conséquences de la vie urbaine sur le fonctionnement
cérébral ont été décrites au niveau biologique. On savait que l’incidence des
troubles mentaux était plus grande en ville : les personnes ayant grandi
en zone urbaine ont en effet deux fois plus de risques de développer une
schizophrénie au cours de leur vie, et les élevé d’être touchés par de troubles
de l’anxiété ou de l’humeur. Mais jusqu’à présent, les bases biologiques de ces
effets, qui concernent la santé mentale de plus de la moitié de la population
mondiale, restaient inconnues.
C’était
sans compter les travaux des chercheurs de la faculté de médecine de Mannheim,
en Allemagne. Ils viennent de montrer que la vie en ville altère la réponse au
stress de deux aires du cerveau. Ainsi, l’amygdale et le cortex cingulaire
antérieur sont respectivement plus fortement activés chez les sujets vivant ou
ayant grandi dans des zones à forte densité de population. La connexion
fonctionnelle entre ces eux régions du cerveau est, de plus, diminuée chez les
personnes qui ont grandi en ville, or, l’amygdale est impliquée dans des
troubles de l’anxiété et des dépressions, tandis qu’un volume réduit du cortex
cingulaire antérieur et une moins bonne connexion fonctionnelle de celui-ci à
l’amygdale ont été observés chez des schizophrènes. L’altération de la réponse
au stress de ces aires cérébrales semble donc être une bonne piste pour
expliquer, au moins en partie, l’incidence élevée des maladies mentales en
ville.
Les
chercheurs doivent leur découverte à 55 étudiants des villes et campagnes
allemandes, qui ont accepté de participer, sans le savoir, à un jeu… un peu
sadique ! Car pour engendrer un stress chez ces sujets d’étude, l’équipe
d’Andreas Meyer-Lindenberg a du leur faire passer, sous une forte pression de
temps, des tests d’évaluation cognitive suffisamment difficiles pour que le
taux de réussite de chacun ne dépasse pas 40 %.
Premier facteur, le stress
L’activité cérébrale des volontaires,
confrontés en permanence à leurs mauvais résultats et aux critiques négatives
des expérimentateurs, était dans le meme temps examinée par IRM fonctionnelle,
cette expérience, si elle a permis de révéler les conséquences de la vie
urbaine sur le cerveau, n’en dévoile cependant pas les mécanismes. Les
chercheurs privilégient l’hypothèse selon laquelle le niveau plus élevé de
stress en zone urbaine est responsable de l’altération à long terme du
fonctionnement des aires cérébrales impliquées dans la réaction à ce stress.
Mais il n’est pas exclu que d’autres facteurs, tels que la pollution ou le
bruit, entrent en jeu, en attendant de mieux comprendre les phénomènes
biologiques à l’œuvre, cette découverte présente déjà un intérêt certain,
explique Andreas Meyer-Lindenberg : « maintenant que nous avons
trouvé la signature cérébrale des effets de la ville sur la santé mentale, nous
pourrons déterminer exactement quel aspect de l’expérience urbaine est néfaste.
Ca qui pourrait, à l’avenir, aider à mieux organiser les villes. » Une
bonne nouvelle pour les 6 milliards de citadins attendus à l’horizon 2050.
Réf : science & vie, N°1128, septembre 2011, page 40-41