Pour les cancers de la prostate dits à risque élevé ou à risque
intermédiaire, l'hormonothérapie s'avère efficace, sans engendrer
d'effets secondaires indésirables irréversibles. Le Dr Mark Scholtz,
oncologue et co-auteur de Touche pas à ma prostate, explique ici les avantages et inconvénients de la prise d'hormones pour juguler un cancer de la prostate.
Et s’il existait un traitement très efficace aux effets secondaires
réversibles qui n’aurait pas uniquement une action anticancer à
l’intérieur de la prostate mais également pour tout le corps ? Croyez-le
ou non, ce traitement est disponible. Il s’agit des inhibiteurs de la
testostérone.
Le rôle de la testostérone dans le cancer de la prostate
La
testostérone est l’hormone qui provoque la masculinisation à la
puberté. Avant la puberté, la prostate n’a que la taille d’un ongle. À
l’adolescence, lorsque le corps se met à sécréter de la testostérone, la
glande grossit pour atteindre la taille d’une noix et commence à
participer à la production de sperme. Cette transformation remarquable
survient parce que les cellules de la prostate sont uniquement sensibles
à la présence ou à l’absence de testostérone. Or comme les cellules
cancéreuses de la prostate dérivent de cette glande, elles sont
dépendantes de cette hormone pour survivre. Elles ne prolifèrent qu’en
présence de testostérone.
En son absence, elles finissent par mourir.
Si le taux de testostérone s’effondre, les cellules cancéreuses se
suicident littéralement lors d’un processus appelé apoptose.
Depuis
que Charles Huggins a découvert les effets bénéfiques de la castration
chirurgicale pour traiter le cancer de la prostate, les urologues ont eu
pour politique de réserver les inhibiteurs de la testostérone aux
cancers à haut risque ou métastasés. La castration irréversible étant
l’unique moyen de faire chuter cette hormone, on comprend les
hésitations à employer un moyen aussi draconien mais, aussi répugnant
soit-il, les résultats contre le cancer sont indéniables. Mais
désormais, il existe heureusement des médicaments permettant d’obtenir
des résultats similaires voire meilleurs, et sur du long terme. Ainsi,
un cancer non métastasé réagit bien à ce traitement pendant plus de dix
ans avant qu’une hormono-résistance apparaisse.
Le cancer de la
prostate est l’unique type de cancer à être aussi sensible à une
hormonothérapie. Nous savons que les inhibiteurs de la testostérone
n’éradiquent pas complètement toutes les cellules cancéreuses dans la
prostate.
Des évaluations microscopiques de tissu prostatique, après
une ablation de la glande, montrent après huit mois d’inhibiteurs de la
testostérone qu’une éradication totale du cancer ne survient que dans
une petite minorité de cas. Cependant, des études montrent qu’après
douze mois d’inhibiteurs de la testostérone, la quantité de cancer
résiduel est généralement trop faible pour être détectée avec une
biopsie axée sur la lésion grâce à un écho-Doppler couleur.
L’utilisation
des inhibiteurs de la testostérone en première intention est donc
probablement la meilleure conduite à tenir quand on voit à quel point
les hommes sous surveillance active avec un cancer à faible risque s’en
tirent bien.
Les médicaments inhibiteurs de la testostérone
Ils se rangent dans trois catégories :
-
Les agonistes de la LHRH, les antiandrogènes et les inhibiteurs de la 5
alpha-réductase. On administre les médicaments de la première catégorie
(Lupron, Zoladex, Eilgard, Vantas...) une à quatre fois par an, en
injection. Ils envoient un faux message hormonal aux testicules via
l’hypophyse, ce qui bloque la production de testostérone.
- Les
antiandrogènes (Casodex, Eulexin, Nilutamide...) agissent à une échelle
moléculaire en s’interposant entre les molécules de testostérone et
leurs récepteurs hormonaux, ce qui désactive ces récepteurs et s’oppose à
la croissance cellulaire.
- Les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase
(Proscar, Avodart...) contrecarrent la conversion de la testostérone en
dihydrotestostérone, une substance cinq fois plus puissante que la
testostérone. En pratique, on utilise le plus souvent une combinaison de
ces trois types de médicaments afin d’obtenir le résultat le plus
efficace.
Quel est donc le piège ? Les inhibiteurs de la
testostérone semblent bien supérieurs aux autres types de traitements,
mais il reste deux problèmes. Premièrement, il n’est pas toujours facile
de trouver un médecin qualifié sachant comment les administrer.
Deuxièmement, même si l’on peut toujours gérer les effets secondaires,
ceux-ci sont tout sauf anodins.
Les effets indésirables de l’hormonothérapie
Perte de la libido.
La libido est définie comme une attraction sexuelle. Elle est
différente de la virilité, de la capacité à avoir une érection. Avec des
médicaments « miracle » comme le Viagra, un pénis peut durcir sans
qu’il y ait de libido. Les inhibiteurs de la testostérone ôtent toute
envie de rapports sexuels. Perdre sa libido sous hormonothérapie est
très fréquent. Cela survient chez 90 % des hommes de plus de 70 ans,
chez 80 % de ceux d’une soixantaine d’années et chez deux tiers de ceux
dans la cinquantaine. La libido revient dès que la testostérone remonte.
Néanmoins, même lorsque la testostérone est redevenue normale, environ
25 % des hommes de plus de 65 ans disent qu’elle est devenue moins
intense qu’avant le traitement.
Une chute de la testostérone a un
autre effet négatif. Normalement, un homme a en moyenne trois à cinq
érections par nuit. Cela cesse sous hormonothérapie. Or l’absence de cet
« exercice nocturne » peut entraîner une dysfonction érectile
permanente. Pour remédier à ce risque d’impuissance, nous prescrivons du
Viagra, du Levitra ou du Cialis trois fois par semaine.
Fonte musculaire.
Nous avons longtemps mis en garde les hommes sous hormonothérapie
contre la perte de la libido et la fatigue intense. Or les hommes
faisant de l’haltérophilie ne souffrent pratiquement jamais de cette
fatigue intense pouvant être associée à l’hormonothérapie. En d’autres
termes, la fatigue était une conséquence directe d’une fonte musculaire.
Au Canada, une étude prospective randomisée a comparé la qualité de vie
des hommes sous hormonothérapie qui faisaient des exercices musculaires
de résistance et de ceux qui n’en faisaient pas, confirmant
l’importance de la pratique de la musculation.
Prise de poids.
Une chute de la testostérone provoque également un ralentissement du
métabolisme. Il suffit alors de continuer de manger comme avant le début
du traitement pour se retrouver rapidement avec cinq ou dix kilos en
plus. Au début d’une hormonothérapie, il est conseillé de limiter les
graisses et le sucre, de réduire ses apports alimentaires quotidiens et
d’adapter son alimentation en conséquence.
Effets indésirables de l’hormonothérapie réversibles grâce à la prise de médicaments
Plusieurs
effets indésirables provoqués par une inhibition de la testostérone
peuvent disparaître grâce à des médicaments – à la condition de les
prendre de manière régulière.
Bouffées de chaleur.
Elles surviennent chez deux tiers des hommes. Dans un cas sur cinq,
elles sont alors si gênantes qu’un traitement s’impose. Le plus
efficace, ce sont les œstrogènes sous forme de patch qui diminuent
considérablement la fréquence et l’intensité des bouffées de chaleur
chez 80 % des hommes.
Les autres solutions sont la progestérone
naturelle, une injection en intramusculaire de Depo-Provera (un
progestatif de synthèse bien pratique étant donné sa prise unique) ou
encore l’Effexor ou le Neurontin. D’après quelques études, l’acupuncture
serait également efficace.
Poussée des seins.
Sans mesure préventive, les seins grossissent plus ou moins chez environ
un tiers des hommes. Le Femara, un inhibiteur de la synthèse des
œstrogènes, devrait être pris dès les premiers signes de seins sensibles
ou plus tendus. En cas de poussée des seins avérée, l’unique solution
réversible est la chirurgie esthétique ou la liposuccion.
Ostéoporose.
Avant de débuter l’hormonothérapie, il faudrait faire un bilan de la
densité osseuse car les inhibiteurs de la testostérone accélèrent la
décalcification osseuse. Non traitée, une décalcification fragilise les
os, d’où un risque accru de fracture du col du fémur ou du rachis. Pour
savoir comment prévenir la décalcification et les fractures, lire
Le mythe de l’ostéoporose de Thierry Souccar.
Arthrose.
Les douleurs articulaires, en particulier aux mains, sont fréquentes
sous hormonothérapie même si elles ne s’accompagnent pas d’une lésion du
cartilage. Elles disparaissent avec des compléments alimentaires comme
la glucosamine, le méthyl-sulfonyl-méthane (MSM) et la superoxyde
dismutase (SOD). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont également
très efficaces contre la douleur. La douleur articulaire disparaît dès
l’arrêt des inhibiteurs de testostérone. Pour en savoir plus sur comment
soigner naturellement l'arthrose, lire
Arthrose, les solutions naturelles du Dr Veroli.
Troubles de l’humeur.
Les hommes sous hormonothérapie deviennent parfois plus fragiles. Ils
peuvent par exemple se mettre à pleurer en regardant un film. Une faible
dose d’un antidépresseur agissant sur la sérotonine, de type Zoloft ou
Deroxat, leur permettra de retrouver leur état émotionnel antérieur. Le
mieux est encore cependant de se tourner vers des plantes aux vertus
anti-dépressives connnues comme le millepertuis ou d
es solutions comportementales, cognitives ou émotionnelles.
La
prise d’inhibiteurs de la testostérone durant une année a de profondes
répercussions sur l’organisme. À l’arrêt du traitement, le corps a
besoin de trois à quatre mois pour que la production de testostérone
redevienne comme avant. En règle générale, la vie reprend alors son
cours normal à la condition d’avoir pris les mesures préventives
appropriées quand on était sous traitement.