Nourrir ou langer un fils n’est pas nourrir ou langer une fille. Les tâches peuvent sembler identiques ; elles n’en sont pas moins très différentes.
Mais qu’il soit fille ou garçon une mère soigne d’abord un bébé. Alors qu’elle lui prodigue ses soins, surgissent les fantômes liés à des non-dits familiaux ou ancestraux autour de la mort ou du sexe. Cet impensé familial accentue l’insécurité fondamentale2, d’autant qu’il traverse en silence la relation et déborde sur le quotidien sans se dévoiler.
L’angoisse de répétitions ancestrales trouble autant que la culpabilité d’avoir critiqué sa mère ou que la crainte de ne pas savoir faire au moins aussi bien qu’elle. Une jeune mère aspire presque toujours à l’idéal.
Comme si elle ne pouvait exister qu’idéale. Cet idéal s’inscrit dans chacun de ses gestes comme un guide, mais il est aussi l’occasion d’inépuisables reproches. Avec lui, c’est l’éternelle impression de faire mal ou pas assez. Comment nourrir, comment laver, comment élever, comment aimer ?
Quand les questions matérielles du quotidien forcent à sortir du rêve,l’appel de la réalité s’accompagne parfois de trop de sévérité. Convaincue que les choses se passent mal, elle se durcit autant vis-à-vis d’elle que de son fils. Quand bien même les choses ne se passeraient pas si mal que ça mais seulement moins bien que le rêve ne le laisse penser…
Pour apaiser une angoisse inconsidérée, une mère cherchera à façonner son fils selon son idéal. Elle va refuser arbitrairement qu’il suce le pouce ou au contraire elle va l’y inciter. Ou bien cherchera-t-elle à le sevrer trop vite ou à prolonger le biberon au-delà du raisonnable. L’exigence d’idéal est redoutable pour le petit garçon, forcé à être charmant, alors qu’il se vit soumis et écrasé par ce but inatteignable, tandis que sa mère se sent perdue.
« Faut-il lui donner le biberon quand je lis partout que le lait maternel immunise contre toutes les maladies ? Comment donner le sein à mon garçon quand on me dit que c’est le début d’une relation incestueuse ? ».
Il n’est en la matière de solution que personnelle et la meilleure est celle qui nous convient le mieux. L’inceste n’est pas dépendant de l’allaitement, mais d’émotions et de sensations qui passent lors de l’allaitement, lors du change, lors du bain… Il dépend plus des désirs inconscients que des gestes apparents. Sauf si ceux-ci sont résolument indécents ou intrusifs.
Un regard peut être porteur de désir incestueux s’il appelle l’enfant à un repli sur sa mère ou à la nécessité de lui procurer du plaisir.
Il est naturel qu’une mère ressente de l’inquiétude face à la vulnérabilité de son bébé. Mais le pathologique menace de faire irruption quand elle communique son propre sentiment d’inquiétude infantile, exacerbé à la faveur de la naissance, à son fils. Elle lui demande alors de la téter afin de la rassurer, ce qui ne peut que renforcer l’insécurité émotionnelle du petit garçon.
Ce n’est pas parce qu’elles sont réprimées que les peurs fantasmatiques ne passent pas. Elles se transmettent et se traduisent parfois en leur contraire : l’insécurité se cache bien souvent derrière une très grande assurance ou une hyper-rigidité… Un petit garçon qui éprouve le besoin de rassurer sa mère tentera de l’apaiser en la séduisant. Il l’assouplira sans parvenir à se rassurer. Difficile pour lui d’être aussi sage qu’une image lorsque la faim ou la contrariété le tenaille !
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