Les industriels doivent remplacer le bisphénol A ,
interdit dans tous les contenants alimentaires en France depuis le 1er
janvier 2015. Mais certains substituts seraient tout aussi néfastes pour
le développement du fœtus.
Le 1er janvier 2015, la France est devenue le premier pays au monde à bannir le bisphénol A de tous les contenants alimentaires… sans vraiment savoir par quoi le remplacer.
Ce
composé chimique, très utilisé pour fabriquer des plastiques souples et
transparents, dans les revêtements intérieur des boîtes de conserve, ou
comme révélateur sur les tickets de caisse, est classé comme
perturbateur endocrinien et accusé de longue date d'effets néfastes sur
la reproduction, le développement et le métabolisme. Or certains
produits de substitution pourraient être tout aussi dangereux, indique
une étude menée par des chercheurs français.
Production de testostérone
René
Habert, professeur en toxicologie de la reproduction et ses
collaborateurs du Laboratoire de Développement des Gonades (INSERM, CEA,
Université Paris Diderot), ont testé les effets des bisphénols S (BPS)
et F (BPF) sur des cellules de testicules fœtaux humains cultivés un
vitro. Leurs travaux, publiés dans la revue «Fertility & Sterility»,
montrent que eux aussi «perturbent la production de testostérone. Or
celle-ci a une importance capitale pour les fœtus mâles humains, car
c'est elle qui masculinise leurs organes génitaux. Sans testostérone, un
fœtus génétiquement mâle souffrira de troubles de la masculinité (par
exemple, un micro-pénis), et l'on soupçonne un risque de baisse de la
fertilité à l'âge adulte» même chez des hommes apparemment bien
conformés.
Le Pr Habert avait été le premier à prouver expérimentalement,
en janvier 2013, que les dangers du BPA déjà démontrés sur des animaux
de laboratoire existaient aussi, et même à plus faible dose, sur le
testicule humain. Or les bisphénols traversent la barrière placentaire,
qui normalement protège le fœtus des substances toxiques ingérées par sa
mère.
«Jamais testé chez l'homme»
«Bien qu'ils aient une
structure chimique proche de celle du bisphénol A, la dangerosité des
BPS et BPF n'a jamais été testée sur une fonction physiologique chez
l'homme et il n'y a aucune réglementation les concernant», indique un
communiqué du CEA et de l'Inserm. De fait, un rapport du gouvernement remis fin décembre 2012,
relatif aux substituts du bisphénol A, cite le bisphénol S comme
composé possible du «polyéthersulfone», utilisable «en remplacement du
polycarbonate dans les biberons», «la vaisselle pour enfants», mais
aussi «les appareil et accessoires médicaux», «les installations d'eau
chaude» ou pour «les tickets de caisse».
«En réalité, regrette le
Pr Habert, on a peu d'informations sur les utilisations actuelles ou à
venir du BPS et du BPF, car les producteurs n'ont aucune obligation de
donner ces informations et protègent leurs secrets industriels.» Une
étude effectuée par des chercheurs canadiens et publiée très récemment dans les Actes de l'Académie des sciences américaine
(PNAS) va aussi dans le sens d'une nocivité du PBS. Ces auteurs ont
observé qu'il altère le développement cérébral et entraîne une
hyperactivité chez des poissons zèbres in vivo.
«Il est important
de tester scientifiquement les produits avant de les mettre sur le
marché, car on peut difficilement prédire simplement à partir de sa
formule chimique si une molécule aura ou non un effet négatif»,
s'insurge René Habert. «Cela serait dépourvu de bon sens d'échanger un
danger sanitaire pour un autre», peut-on lire dans l'article qu'il a
dirigé. Les auteurs souhaitent que soient étudiés sans délais «les
dangers sanitaires pour l'homme des substituts du BPA».
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