Là, c’est un
peu plus mystérieux, et plusieurs médecins avouent ne pas comprendre très bien
l’effet du jeûne sur certaines affections. On pense que jeûner provoque un
stress et relance les mécanismes d’autorégulation du corps, ce qui aurait des
effets thérapeutiques. Le jeûne aiguiserait également les forces curatives de
l’organisme et agirait en stimulant les organes d’élimination. On pense aussi
que les hormones mobiliseraient les réserves du corps et auraient un effet
anti-inflammatoire. Des études allemandes sont en cours sur les mécanismes
reliant privation de nourriture et maladies comme le diabète,
l’hypertension ou le rhumatisme.
Les
adversaires du jeûne thérapeutique insistent, eux, sur le danger de trop puiser
dans les protéines, donc dans les muscles. Et d’autres avertissent que jeûner
de manière extrême peut modifier le fonctionnement du cerveau et affaiblir la
capacité de jugement d’une personne.
«Quand on s’interroge sur le rôle du jeûne dans la maladie, il faut se souvenir qu’avoir un frigo bien rempli est une habitude tout à fait récente dans l’histoire de l’humanité et a peu participé à la pérennisation de l’espèce humaine, relève le Dr Dimitrios Samaras. A quel degré notre organisme supporte-t-il mieux la carence de nourriture que son excès, c’est une question complexe. La nature nous a peut-être doté de mécanismes pour supporter la famine, mais elle n’a pas prévu qu’on vive jusqu’à l’âge de 90 ans et qu’on ait ainsi le temps de développer toutes les maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète, cancer etc.) qui frappent actuellement les sociétés des pays développés. Je dirais que ces mécanismes ont peut-être bien marché pendant le laps de temps que la nature nous octroie pour procréer, mais est-ce qu’ils sont toujours bénéfiques dans le monde actuel?»
Jeûne et psychisme
Et le
psychisme, comment s’adapte-t-il au jeûne? «Contrairement aux diètes
restrictives, où la faim persiste et des symptômes tels qu’apathie, fatigue et
irritabilité sont au premier plan, le jeûne total se traduit plutôt par une
perte d’appétit dans les premiers un à quatre jours, à cause de l’augmentation
progressive des corps cétoniques, explique le Dr Samaras. Et une
sensation de bien-être est très souvent rapportée par les patients. Le mécanisme
sous-jacent n’est pas très clair. Selon certains, cette sensation pourrait être
due à l’acide acétoacétique (un type de corps cétonique) qui a un effet sur le
cerveau semblable à celui de l’alcool. D’autres mettent en avant plutôt la
sécrétion par le corps lui-même de substances identiques à la morphine. Un
effet placebo ou l’effet euphorisant de la perte pondérale, surtout pour les
patients en surpoids, est également possible.»
Quoi qu’il
en soit, le fait est que deux tiers des patients qui jeûnent disent se
sentir mieux. «En résumé, conclut le spécialiste de la nutrition, le
jeûne est une pratique utilisée depuis la nuit des temps. Son effet de
bien-être pourrait expliquer en partie le rôle du jeûne dans des rituels
spirituels ou des pratiques religieuses à travers les siècles. Ses effets
potentiellement favorables sur la santé de l’individu ont commencé à être
explorés depuis environ 150 ans mais la littérature sur le jeûne thérapeutique
de l’homme est relativement limitée et loin d’être concluante. En plus, les
complications d’une telle épreuve n’étant pas négligeables, la décision ne
devrait pas être prise à la légère, ni avant de s’être assuré d’un suivi
médical.»
Cécile Aubert
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire