Voilà des années que les nutritionnistes
accusent les boissons
sucrées de contribuer à l'épidémie mondiale d'obésité. Leurs craintes
viennent d'être confirmées par la principale revue médicale internationale, le
New England Journal of Medicine, qui publie trois études montrant le
rôle direct de ces boissons dans la prise de poids, notamment chez les enfants
et les adolescents.
La première étude, réalisée au Boston
Children's Hospital (États-Unis), mesure l'efficacité d'une intervention auprès
de 110 adolescents obèses, filles et garçons, pour les aider à réduire
leur consommation de boissons sucrées au profit de boissons light. Après un an,
ces adolescents pesaient en moyenne 2 kg de moins que les jeunes du groupe
n'ayant bénéficié d'aucun soutien. Cet effet ne s'est cependant pas maintenu
dans le temps.
Comme le soulignent tous les
nutritionnistes, le principal effet négatif des boissons sucrées - sodas,
limonades ou jus de fruits - est d'apporter une quantité importante de
calories. «Dans un litre de soda, il y a l'équivalent de 20 sucres, soit
400 kilocalories», explique le Pr Jean-Michel Lecerf, à l'institut
Pasteur de Lille. Or ces calories ne sont pas comptabilisées en tant que telles
par le cerveau, qui les classe dans les apports hydriques.
Ainsi, inconsciemment, un jus de pomme
paraît moins calorique qu'une pomme. «Avec les boissons sucrées, les sensations
de rassasiement et de faim sont brouillées», résume le Dr Laurent
Chevallier, qui dirige une unité multidisciplinaire de médecine
environnementale à Montpellier.
Et le risque est identique avec les jus
de fruits: «Les gens ne réalisent pas que dans un verre de jus de
fruits, il y a du sucre et des calories», explique le Dr Arnaud Cocaul,
nutritionniste et concepteur d'une application pour smartphone (KcalMe) qui
permet de suivre au fil de la journée sa consommation de calories. La
recommandation est donc de limiter au minimum - une canette par jour, par
exemple, selon le Pr Lecerf - la consommation de boissons sucrées. L'idéal
est de s'en tenir à la seule boisson utile à notre organisme: l'eau, surtout à
l'heure des repas.
Ou de remplacer les boissons sucrées par
des boissons édulcorées, qui n'apportent aucune calorie. C'est ce que montre la
deuxième étude publiée dans le New England. Cette recherche conduite à
l'université d'Amsterdam consistait à remplacer des boissons sucrées par des
boissons «light» pour la moitié d'un groupe de 641 enfants âgés de 5 à
12 ans. Après un an et demi, ces derniers avaient pris en moyenne
7 kg là où leurs petits camarades avaient grossi de 8 kg. Une
différence significative mais à considérer avec prudence, car un quart des
enfants avaient abandonné l'étude en cours de route.
17 % des apports
caloriques
«Le point faible de ces études est de
n'avoir, chaque fois, considéré que le contenu et non le contenant. Les études
sur le bisphénol A
et les perturbateurs endocriniens montrent que l'on ne peut en faire
abstraction», regrette toutefois le Dr Chevallier. Il n'est pas sûr non
plus que l'on puisse extrapoler les résultats observés aux États-Unis avec les
habitudes françaises.
Enfin, la troisième étude, du département
de nutrition de la faculté de Harvard, montre que les adultes qui ont le profil
génétique le plus à risque d'obésité sont aussi ceux qui prennent le
plus de kilos lorsqu'ils boivent des boissons sucrées.
Certes les Américains boivent encore
nettement plus de boissons sucrées que les Français: «4,5 fois plus de
sodas et 1,7 fois plus de liquide», selon une comparaison publiée par le
Crédoc dans sa lettre mensuelle datée de septembre.
Autre différence de taille, «alors que les
quantités énergétiques consommées ne sont pas différentes, la part de l'énergie
apportée par les liquides représente 17 % des apports totaux en énergie,
contre seulement 10 % en France». Il n'empêche: la consommation de
boissons sucrées en France ne cesse d'augmenter, passant de 57 litres par
an et par habitant en 2006 à 66 litres cinq ans plus tard. Les jeunes
adultes sont les premiers concernés.
Cette hausse préoccupante a conduit le
gouvernement de François Fillon à mettre en œuvre en 2011 une taxation
spécifique des boissons sucrées et édulcorées. Mais cette mesure ne
fait pas l'unanimité. «Il est délicat de montrer du doigt une catégorie
d'aliments, remarque le Pr Lecerf. Mieux vaut privilégier l'éducation.»
À l'occasion de la réévaluation des recommandations alimentaires, l'Agence
nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation (Anses) s'apprête
d'ailleurs à rouvrir le dossier des boissons sucrées.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire