C’est désormais un fait établi : un
stress répété, comme une tristesse durable, modifie notre corps… jusqu’à son
patrimoine génétique ! l preuve formelle a été apportée en 2004 par la
biologiste australo-américaine Elizabeth Blackburn, prix nobel de médecine
2009, et Elissa Epel, psychiatre à l’université de Californie. En comparant
l’ADN de mères d’enfants en bonne santé à celui de mères d’enfants atteints
d’une maladie grave et chronique, comme l’autisme, ou souffrant d’un handicap
moteur ou cérébral, elles ont découvert que les secondes, soumises à un stress
psychologique chronique, présentaient des signes de vieillissement précoce dans
leur ADN. Comme s’il était ‘’ rongé’’ par l’angoisse.
Inscrit dans nos gènes !
L’image est d’autant plus juste quand on
regarde ce qui se passe au cœur de nos cellules, là ou l’ADN est condensé sous
forme de chromosomes. A l’extrémité de ceux-ci se trouvent les télomères,
sortes de ‘’capuchons’’ qui les protègent de l’érosion au fil des divisons
cellulaires. Ceux-ci raccourcissent progressivement au fur et à mesure que la
cellule vieillit. Or, chez les mères angoissées, les télomères sont apparus
anormalement courts, reflétant un vieillissement accéléré. Ils semblaient
appartenir à des personnes plus âgées de 9 à 17 ans !
Comment expliquer le lien entre les émotions
et l’ADN ? pour l’heure, le mécanisme biologique précis est encore
inconnu. Le cortisol, l’hormone du stress libérée par des petites glandes
situées au-dessus des reins (les surrénales), pourrait etre impliqué. Peut-etre
en interagissant avec l’activité de la molécule chargée de l’entretien des
télomères, la télomérase. Quoi qu’il en soit, le stress ne s’attaque pas
seulement aux télomères : il inscrit aussi sa marque sur nos gènes eux-mêmes,
modifiant ainsi de façon ciblée et durable certains de nos comportements. Cette
action relève d’un phénomène biologique baptisé l’épigénétique, par lequel l’ADN
est modifié chimiquement par des petites ‘’étiquettes’’ – des groupements
méthyles, dans le jargon des biochimistes – qui empêchent physiquement
l’expression de certains gènes.
Or, les scientifiques ont constaté que le
stress et les traumatismes psychiques entrainent des erreurs d’étiquetage
épigénétiques dans la zone cérébrale qui gère les émotions, l’hippocampe. A
preuve cette expérience réalisée sur des bébés rats : délaissés par leur
mère, ils présentent des modifications épigénétiques qui bloquent le récepteur
aux corticoides dans l’hippocampe. Or, ce récepteur contrôle la réponse au
stress en réduisant le taux sanguin de cortisol. Du coup, les ratons délaissés
deviennent moins bien armés pour faire face au stress. Perpétuellement
angoisés, ils souffrent de troubles de la mémoire et d’un comportement
dépressif. Une observation confirmée chez l’homme : des personnes décédées
par suicide et qui avaient subi des sévices sexuels dans l’enfance présentent
aussi le gène du récepteur aux corticoides bloqué par une méthylation de l’ADN
des neurones de l’hippocampe.
Et ces anomalies peuvent même se
transmettre : lorsqu’une femme est dépressive ou anxieuse pendant la grossesse,
le bébé a tendance à présenter un marquage épigénétique anormal sur le gène du
récepteur aux corticoides. Avec pour conséquence un nourrisson au taux de
cortisol élevé, donc très sensible au stress.
Toutes ces observations ne sont pas forcément
des mauvaises nouvelles : si notre corps réagit à la pression extérieure,
cela signifie aussi que l’on peut se servir de cette pression dans un but
bénéfique. Ainsi, les effets épigénétiques causés par le stress peuvent-ils être
annulés grâce à une prise en charge. Cela a déjà été fait chez la souris avec
des antidépresseurs ou des médicaments destinés à la régulation des troubles de
l’humeur. Plus simplement, les effets du stress pourraient être inversés avec
de l’activité physique et… de la relaxation !
Réf : science & vie. Septembre 2011
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