De façon globale, l’évaluation des médicaments chez la femme
enceinte et le nouveau-né est très
rare. Les antirétroviraux n’échappent pas à cette réalité. Le nombre d’essais
cliniques est très faible, y compris aux USA. Comment estime-t-on alors les
risques de toxicité pour l’enfant ? "Aujourd’hui, notre façon de
procéder n’est pas la bonne : on traite et on observe après. Nous
regardons le sang de cordon à la
naissance, examinons le nouveau-né, faisons des registres", déplore le
Pr Mandelbrot. Du coup, les anciennes molécules, pour lesquelles on a du
recul, sont privilégiées. "Nous nous interdisons de faire appel chez la
femme enceinte à des combinaisons médicamenteuses nouvelles", explique ce
spécialiste. Le cri du coeur de ces médecins ? "Il faudrait
développer des programmes de recherche". Trois questions se posent sur la
tolérance de ces médicaments pour le bébé : l’impact sur l’enfant d’une grossesse
chaotique - éventuelle prématurité -, les
malformations à la naissance, et, la plus importante, la question du suivi à
long terme. "Pour l’instant, nous n’avons pas d’inquiétude considérable
sur la toxicité de ces traitements sur les organes du foetus"
annonce le Pr Stéphane Blanche. "En revanche, se pose le problème du suivi
de ces enfants", ajoute-t-il. Un effet secondaire peut en effet se
manifester très longtemps après le traitement. Or, pour l’instant, le suivi de
ces enfants a été maintenu à deux ans : "Globalement, leur santé est
très bonne", déclare le Pr Blanche.
Comment faire
pour évaluer ces médicaments ? En mettant en place de nouveaux marqueurs
biologiques afin de savoir s’il y a un effet toxique sur le nouveau-né ou le
petit enfant. Il existe déjà ceux qui servent à étudier l'anémie, les
troubles des globules blancs et les plaquettes pour des médicaments, dont on
sait qu’ils peuvent avoir des effets sur les globules rouges ou blancs. Mais
"nous manquons de marqueurs biologiques pour étudier les effets de
nouveaux médicaments, comme par exemple le Ténofovir, molécule
intéressante mais dont on sait qu’elle peut avoir des effets néfastes sur les
os ou les reins", indique le Pr Mandelbrot. "En cas
d’alerte biologique, nous pourrions changer de médicament", explique le
Pr Blanche. Deuxième possibilité : faire des études sur placenta ex-vivo. La
plupart de ces médicaments passent la barrière placentaire ; or la
majorité des molécules n’a jamais été testée sur le placenta humain. "À
l’Hôpital Louis Mourier, nous avons créé un laboratoire où nous étudions le
passage placentaire sur des placentas récupérés dans les salles d’accouchement,
par la méthode de perfusion placentaire. Ce n’est qu’indicatif mais c’est déjà
une indication utile", explique le Pr Mandelbrot. Enfin, certains
médecins se posent aujourd’hui une question cruciale : faut-il donner des
médicaments qui passent la barrière placentaire alors que l’on sait aujourd’hui
que si l’on contrôle bien la charge virale de la mère, la transmission est
quasi-nulle ?
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