Les classiques frottis pourraient à terme être
supplantés par la recherche de papillomavirus.
Faut-il
changer les modalités de dépistage du cancer du col de l'utérus ?
Remplacer le traditionnel frottis par un test de biologie moléculaire
recherchant les papillomavirus (HPV) à haut risque, ces virus qui font le lit
des tumeurs du col utérin ? Alors que la question taraude de plus en plus
les spécialistes, une étude amène un nouvel argument aux partisans de la
stratégie virologique. Chez 40 000 Américaines âgées de plus de 25
ans, Philip Castle (Washington) et ses collègues ont comparé les performances
du frottis - qui consiste à analyser les cellules du col utérin - à celles de
tests HPV, également pratiqués sur un prélèvement local. Et ils concluent, dans
la dernière livraison de la revue Lancet Oncology , que la balance penche en
faveur de ces derniers. Il n'est en tout cas plus pertinent, comme cela se
pratique outre-Atlantique, d'effectuer systématiquement les deux tests.
Les cancers
du col utérin (dont 3 000 nouveaux cas sont recensés chaque année en
France) sont intimement liés à des papillomavirus, transmis lors de contacts
sexuels. Une quinzaine de génotypes de HPV favorisent le développement de ces
tumeurs, les deux plus «méchants» étant les HPV 16 et 18. C'est d'ailleurs ce
qui a conduit à mettre au point des vaccins anti-HPV dans le but de prévenir
ces cancers. En moyenne, il s'écoule vingt-cinq à trente ans entre l'infection
virale et la survenue du cancer, période pendant laquelle un dépistage régulier
peut repérer des lésions précancéreuses ou des tumeurs très localisées.
L'étude
publiée dans The Lancet Oncology confirme que les tests HPV (repérant en
particulier les HPV 16 et 18) sont une technique plus sensible que les
frottis, ce qui signifie qu'ils détectent davantage les lésions suspectes que
l'examen cytologique. Pour ses auteurs, les tests virologiques ont tous les
atouts pour être proposés d'emblée en dépistage, et sans associer de frottis.
Les spécialistes français restent cependant divisés.
Tumeurs évitables
Du côté des partisans de la virologie, le Pr Didier
Riethmuller (gynéco-obstétricien, CHU de Besançon) utilise des tests viraux
depuis 1996 dans le cadre de programmes de recherche. «Les frottis présentent
l'inconvénient d'être faussement négatifs dans 5 % à 15 % des cas
(ils passent à côté de 5 % à 15 % des lésions, NDLR) , relève-t-il.
Inversement, quand les tests viraux sont négatifs, on peut totalement rassurer
la femme sur l'absence de cancer, et il n'y a pas besoin de refaire l'examen
avant cinq ans.»
Le Pr Jean
Levêque, gynéco-obstétricien au CHU de Rennes, est plus dubitatif sur l'intérêt
de cette stratégie en France dans le contexte actuel. «Il est intéressant de
disposer d'un test plus sensible, mais cela va conduire à affoler à tort
certaines femmes, puisque dans certains cas les examens de contrôle montreront
qu'elles n'ont pas de cancer, commente-t-il. Aujourd'hui, les tests viraux
posent plus de questions médicales et économiques qu'ils n'apportent de
solutions.»
Ces
praticiens se rejoignent cependant sur un point : l'urgence à mettre en
place un dépistage organisé du cancer du col de l'utérus dans notre pays, comme
l'a récemment préconisé la Haute Autorité de santé. Le dépistage individuel,
recommandé tous les trois ans, a montré ses limites : la moitié des femmes
ne se font pas dépister, et 40 % le font trop souvent.
Résultat, la
mortalité due au cancer du col de l'utérus a régressé, mais il tue encore
1 000 femmes par an, et à peu près autant gardent de sérieuses
séquelles des traitements. Un bilan d'autant plus inacceptable que ces tumeurs
sont totalement évitables, selon le Pr Riethmuller.
Par : Sandrine Cabut, le figaro
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