Ce n’est pas le premier avis, loin de là, que l’agence
sanitaire française rend sur le bisphénol A, l’un des multiples perturbateurs
endocriniens présents dans notre environnement. Cependant les deux rapports
publiés aujourd’hui, l’un sur les effets sanitaires l’autre sur les usages du
BPA, vont plus loin que les précédents. «Ce travail met en évidence des effets
sanitaires, avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme, même à de faibles
niveaux d’exposition », écrit l’Anses dans son communiqué. Elle considère
«disposer de suffisamment d’éléments scientifiques pour identifier d’ores et
déjà comme prioritaire la prévention des expositions des populations les plus
sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants, ainsi que les femmes
enceintes et allaitantes ».
Il y a
quelques mois, tout en reconnaissant l’importance des «signaux d’alerte»,
l’agence de sécurité sanitaire (1) restait
plus prudente. En février 2010 l’Afssa
estimait, à l’issue d’une expertise, que «la méthodologie de ces études ne
[permettait] pas d'interprétation formelle des données qui remettrait en cause
les précédentes évaluations du risque sanitaire ». Tout en insistant sur
la nécessité de poursuivre le travail d'expertise sur cette substance utilisée
pour fabriquer des plastiques (polycarbonate) et des résines époxydes.
Exposition à petites doses
Elément important, l’Anses reconnait que les effets du
bisphénol A mis en évidence par les études se produisent à « des doses notablement inférieures aux doses
de référence utilisées à des fins règlementaires ». En clair, il ne
suffit plus de se référer aux doses journalières tolérables (DJT) définies par
l’agence sanitaire européenne et contre laquelle se battent nombre de
toxicologues (lire l'interview
d'André Cicolella sur le Nouvelobs.com)
L’EFSA
s’accroche à ces limites règlementaires, définies en 2006 pour le BPA. En
septembre 2010 elle concluait une fois de plus que ses experts «n’avaient pu
identifier aucune nouvelle preuve qui les amènerait à reconsidérer la dose journalière
tolérable (DJT) existante pour le BPA». Tout en reconnaissant que des études
font état de modifications au stade embryonnaire à cause de l’exposition au
BPA, l’agence estimait qu’il y a avait encore trop de lacunes dans les
connaissances.
Réduire l’exposition
L’agence sanitaire française va donc plus loin en
recommandant de réduire l’exposition aux BPA, en particulier pendant des
périodes sensibles comme la grossesse Plusieurs études suggèrent en effet
que l’exposition in utero aux
perturbateurs endocriniens aurait des répercussions à long terme sur l’individu
(lire Le BPA, un perturbateur de l'équilibre?). Le Canada
a interdit le bisphénol A en octobre 2008. Pour l’instant, en France, il n’est
interdit que dans les biberons.
L’agence
souligne que les denrées alimentaires constituent la source principale
d’exposition au BPA, à cause des emballages alimentaires, des revêtements des
canettes et des boîtes de conserve, qui contiennent du bisphénol A. L’Anses
lance un appel à contribution pour recueillir le plus d’informations possibles
sur les produits de substitution au BPA –notamment sur leur innocuité.
La réglementation
sur le bisphénol A pourrait donc rapidement évoluer en France. Dès demain, à
l'Assemblée nationale, sera présentée en commission des affaires sociales une proposition de loi rédigée par des
députés socialistes, menés par Gérad Bapt, "visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de
l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation
alimentaire contenant du bisphénol A". Cette proposition sera
discutée dans l'hémicycle le 6 octobre prochain.
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